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RECONVERSION D'UN BÂTIMENT D'ACTIVITÉS

MONTEREAU (77)

Transformation d'une ancienne porcherie

en bureaux

Projet de l'agence Laurent Alamercery Architecte et Roman Descheemaekere Conseils 

Chargé de projet : Jean-Maxime Descheemaekère

Surface réhabilitée : 240m² Surface Plancher - Budget : 360.000€ HT - livraison : 2013

Situé à proximité de la gare de Montereau, le bâtiment existant se situe dans une zone pavillonaire diffuse de faible densité. La chapelle du Sacré Cœur construite dans les années 20 et non terminée située de l’autre côté de la rue Paul QUESVERS est un élément architectural d'importance qui complète cet environnement proche

Les bâtiments existants ont accueilli pendant près de cinquante ans les locaux de l’entreprise familiale « Montroporc », grossiste en produits carnés successeur des établissements JAMET, marchands de porcs vivants.

 

 Au départ simple longère, utilisée comme porcherie, le bâtiment principal s’est vu ajouté de nombreuses extensions au fur et à mesure de l’évolution de l’entreprise.

 

On distingue quatre entités distinctes :

 

- Une longère en limite séparation constituant le bâtiment principal (R+C)

- Un hangar de hauteur mesurée avec une toiture à double pente

- Un auvent abritant la totalité d'une cour intérieure

- Un bâtiment en R+1 accueillant une boutique au RDC et un appartement privé à l'étage

 

Le Projet

Le projet de requalification ne concernait que la partie nord de la longère qui devait accueillir les bureaux d'un service d'aide à l'enfance.

 

L’aménagement dans le bâtiment existant devait permettre de répondre au double objectif suivant :

 

- Proposer au public y compris aux personnes à mobilité réduite, un accueil de qualité en terme d'accessibilité aux différents services.

- offrir au personnel un espace de travail fonctionnel, convivial tout en facilitant les relations avec le public.

La volonté de reconvertir un bâtiment existant en bureaux nous a conduit ici à démolir le hangar et l’auvent existants afin de pouvoir bénéficier d’ouvertures en façade côté ouest. 

Le projet prend en compte la volonté de retrouver un cadre bâti en harmonie avec l’environnement proche (volumétrie du bâti en R+C en adéquation avec le pavillonnaire voisin).

 

L’ancienne longère entièrement masquée sera remise à jour, l’emprise au sol des bâtiments sera réduite ce qui limitera ainsi le phénomène d’étouffement que le bâti existant avait pu créer.

 

Le bâtiment existant sera conservé en l’état : mise en place d’un isolant extérieur avec application d’enduits chaux/ciment taloché fin ton pierre, des encadrements de baies en enduit taloché fin ton blanc; création d’ouvertures en façade ouest équipées de menuiseries PVC ton anthracite; création d’un ensemble vitré alu thermolaqué ton anthracite toute hauteur en pignon nord.

 

La couverture en tuiles galbées ton brun existante a été conservée.

L'Histoire du bâtiment

L'histoire du bâtiment remonte en 1880. Un charcutier de Montereau, installé dans le centre ville, achète un terrain carré de 2500 m², très bien situé à 300m de la gare de Montereau. 

Son but est de créer un petit élevage susceptible d'alimenter en viandes fraîches son commerce de détail. Voilà une dizaine d'années qu'un abattoir municipal moderne a été construit à cinq cents mètres de là. L'élevage doit donc être à proximité. Aucun problème à craindre du côté pollutions sonore et olfactive. On n'en parle pas encore et la zone est constituée de jardins potagers et de vergers. Aucune maison n'existe pour le moment dans un rayon de trois cents mètres.

La construction est implantée au milieu du terrain de manière à laisser possible la construction envisagée, côté sud, de deux maisons bourgeoises sur l'avenue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Le bâtiment construit consiste en cinq travées régulières de quatre mètres par six sur deux niveaux et accolées les unes aux autres.  Les murs extérieurs en pierre ont une épaisseur de cinquante centimètres. Ils sont posés sur de solides fondations de type semelles filantes à plus de deux mètres de profondeur. À ce niveau, la largeur et l'épaisseur des fondations sont d'un mètre. Le terrain, marécageux comme dans tout Montereau hors murs, a dû être remblayé pour échapper aux fortes crues de l'Yonne et de la Seine qui se produisent plusieurs fois par siècle. Ce sera le cas lors des inondations de Janvier 1910.

Au rez-de-chaussée les poutres sont encastrées dans les murs, laissant le passage libre d'une travée à l'autre. Quelques cloisons de séparation légères facilement démontables peuvent y être installées comme les enclos des animaux. À l'étage, la circulation n'est pas entravée par les fermes posées sur les poutres coiffant le rez-de-chaussée. La hauteur sous faitage de la toiture de plus de trois mètres et des retombées de deux mètres en font un niveau utilisable à part entière. On y entrepose la paille et le foin ainsi que les céréales et les pommes de terre que l'on fera cuire. On en confectionne une pâtée très nourrissante  appréciée des cochons.  

D'orientation Nord Sud, la longère a été conçue pour loger le personnel dans la première travée, la plus au sud. Elle seule est séparée des quatre autres par un mur de cinquante centimètres d'épaisseur sur toute la hauteur du bâtiment. Cela protège ses occupants du bruit et des odeurs provoqués par les cochons tout en lui conférant également les qualités d'un logement séparé et décent, tout au moins pour l'époque. En rez-de-chaussée, on trouve une porte et une fenêtre. À l'étage, dans la pointe du pignon, une fenêtre également. Les quatre travées suivantes présentent chacune en rez-de-chaussée et à l'ouest une grande porte divisée en deux parties égales dans le sens horizontal. Du type des portes d'écuries. Cela permet un accès et une circulation facile et apporte aux animaux aération et lumière du jour sans qu'ils puissent s'échapper. Les travées 2 et 3 servent d'écurie au cheval de trait, au stationnement des charrettes, tombereau ou calèche légère qu'il tracte tour à tour en fonction des besoins du commerçant et de sa famille. (La travée 2 bénéficie  d'une porte plus large). On y stocke également la nourriture prête à être consommée à court terme par les animaux. Ces portes sont surmontées chacune au niveau supérieur de porte ouvrant sur le vide et accessibles par des échelles. Elles servent à la montée des balles de fourrage et de litière. Un escalier intérieur situé dans la travée centrale permet cependant une communication directe entre les deux niveaux. À l'extrémité Nord du bâtiment, une porte est aménagée à l'étage dans la pointe de la toiture, elle est surmontée d'une poulie accrochée à la poutre faîtière qui dépasse du mur. Grâce à elle, on monte sans difficultés les charges plus pesantes à l'étage. En rez-de-chaussée, les travées 4 et 5, en direction du nord, servent à l'élevage lui-même. Reproduction et engraissement sont calés sur les besoins en nombre de bêtes du commerçant. L'activité dépend du secteur primaire et du secteur secondaire. On peut parler de travail en autarcie. Le regroupement de deux métiers différents mais complémentaires dénote d'une concentration verticale des activités. De la sorte notre homme ne dépend de personne pour l'approvisionnement de son magasin et il cumule les marges de l'éleveur et du fabricant-vendeur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1890-1950.  La fille aînée du charcutier épouse un marchand de cochons. La charcuterie familiale exigüe, étouffée en plein centre ville dans des bâtiments presque insalubres du XVIIème siècle, ne peut accueillir ni nourrir deux puis bientôt trois générations. Pour permettre au gendre d’exercer sa profession, quatre nouvelles travées sont construites, attenantes aux cinq premières et strictement conçues sur le même modèle. La construction atteint maintenant la rue bordant le terrain au nord. C'est une construction qui est toujours assise sur de solides fondations. Elle est pourtant davantage réalisée à l'économie ou peut-être s'est-on rendu compte que les murs des premières travées étaient surdimensionnés. Autres temps, autres techniques ou autres moyens (peut-être financiers). Les murs sont composés de briques dépareillées posées un peu dans tous les sens. Lors des transformations de 2012, il faudra abattre l'ensemble de la façade ouest de ces quatre travées en maintenant l'étage sur une forêt de chandelles métalliques et reconstruire solidement dans la foulée.

À l'étage, aucune cloison. On se contente d'y engranger la nourriture des animaux et le nécessaire à leur litière. De grosses chatières installées en toiture favorisent le séchage du fourrage.


En rez-de-chaussée, ce sont maintenant six travées et non plus deux qui sont consacrées au négoce des porcs, cette fois, et non plus à leur élevage. Toutes sont équipées d'une fenêtre d'aération dans le mur est. La porcherie est devenue une plaque tournante. Les porcs sont achetés en grande quantité sur les foires ou les marchés de France et de Belgique. Acheminés par le chemin de fer et livrés par wagons entiers, arrivant à la gare toute proche, ils ne font qu'un court séjour à la porcherie où ils seront marqués pour ou par les bouchers ou charcutiers du cru et abattus dans l'abattoir tout proche également.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1896, le charcutier prend sa retraite après avoir fait construire une maison bourgeoise sur l'avenue de la gare. Il est imité par de nombreux commerçants de la ville qui se sont également enrichis grâce aux retombées locales de la Révolution Industrielle. Montereau est alors une ville ouvrière prospère. Elle est connue pour ses faïenceries apparues dès la fin de l'ancien régime, aux techniques sans cesse améliorées, pour ses fabriques de matériel agricole, de tuiles et de briques. La présence de riches gisements d'argile, celle de deux voies navigables  sûres et la construction précoce de la ligne de chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée ont largement contribué à son essor. 

Des maisons très cossues voire ostentatoires, sont construites pour les marchands de chevaux, les négociants de faïence, les gros cultivateurs, menuisiers ou même un capitaine au long cours. Toutes situées sur l'avenue, elles ne pâtissent ni du bruit ni de l'odeur des cochons. Elles sont toutes bâties lorsqu'éclate la première guerre mondiale. Toutes sont couvertes d'ardoises.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au début des années vingt, le tissu urbain se densifie autour des porcheries. Des maisons plus modestes sont construites de part et d'autre du boulevard qui conduit de la porcherie aux abattoirs. Il en est des même à quelque distance de ces abattoirs. Plus d'ardoises, c'est trop coûteux mais des problèmes liés aux nuisances ne vont pas tarder à se poser.

Sur cette longue période de soixante ans de 1890 à 1950, trois générations vont succéder au charcutier d'origine. Son gendre jusqu'en 1920, son petit-fils jusqu'en 1941 et enfin son arrière-petit-fils jusqu'en 1950. Toujours en exploitant les locaux dans le cadre du négoce des porcins.


Bâtiments solides, modulables et économiques, largement amortis. L'emploi de personnel se cantonnera à quelques ouvriers agricoles.

1950, le relais est transmis à des successeurs. L'abattoir modernisé en 1960, propose de vastes volumes ou des animaux de boucherie de toutes espèces peuvent rester en stabulation. Le tissu urbain se densifie encore davantage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les successeurs font le pari d'abandonner le commerce des porcs vifs pour proposer à leurs clients des animaux déjà abattus. Il s'agit de simplifier les tâches et de gagner du temps. D'autre part, la présence successive dans un camion d'un animal sur litière puis de sa carcasse sera rapidement interdite. L'on se dirige vers la spécialisation des tâches.

La nouvelle société adjoint même à ses activités la vente des viandes de bœuf, de veau et d'agneau. Dès 1954, les neuf travées sont transformées en ateliers de fabrication de charcuterie avec chambres froides. Une fois de plus, l'architecture choisie lors de leur construction permet d'y tracer les plans souhaités. D'autres bâtiments sont construits sur la cour et parallèlement.

Un vaste hangar pour l'entretien  et le stationnement des véhicules de livraison, un atelier de découpe des porcs puis des autres viandes et les chambres froides qui les jouxtent. La faible superficie occupée est une gêne pour le développement des activités. L'entretien des véhicules sera déplacé dans d'autres locaux achetés vers 1960. Puis il sera concédé à des ateliers mécaniques extérieurs. Sous le hangar sont installés un frigo consacré au salage de la viande de porc avant fabrication, un congélateur de grande capacité et un transformateur de courant électrique. Grosse consommatrice d'électricité, l'entreprise emploie cinquante personnes. La majorité des capacités frigorifiques de l'abattoir sont mises à sa disposition tout comme les emplacements de stationnement des véhicules de plus en plus nombreux.

L'entreprise tournera ainsi, dans des locaux devenus trop petits jusqu'en 1994. Pour éviter la fermeture des abattoirs municipaux en 1980, il faudra créer une société d'exploitation qui emploiera une dizaine de personnes supplémentaires. Mais le tissu urbain est devenu tellement dense et la réglementation vétérinaire tellement draconienne que des menaces d'interdiction d'utiliser les deux sites se font entendre. Trop de bruit près des maisons bourgeoises de l'avenue. Trafic ultra matinal des poids lourds livrant la marchandise dès trois heures du matin. Camions de trente huit tonnes incapables de manœuvrer sur un réseau devenu trop étroit. Difficultés de stationnement en raison de la proximité de la gare. Impossibilité d'agrandir les locaux, ni de les mettre en conformité.

L'abattoir a donc fini par fermer et la société spécialisée dans le commerce de la viande et la fabrication de charcuterie en gros a déménagé dans des locaux aux normes vétérinaires sur la zone industrielle de la ville.

Tout le monde est parti mais les neuf travées sont toujours là. 

1995-2008.Dans un premier temps les locaux ont été transformés en commerce de détail de viandes avec fabrication de charcuterie. Grâce à la modularité permise par la structure et à l'emploi de panneaux Sandwichs isolants, une boucherie haut de gamme aux locaux agréés et respectant la marche en avant du produit et le travail sous température dirigée y a vu le jour. L'ouverture et l'agrandissement de commerces de bouche auraient anéanti sa rentabilité et décision a été prise de la fermer.

2009 à aujourd'hui. Passage de l'ensemble des bâtiments au secteur tertiaire. Démolition du hangar et des locaux qu'il abritait. Suppression des cloisons isolantes et en coopération avec les futurs locataires réalisation d'un cabinet médical du travail et d'un centre d'accueil de jour pour enfants en grande difficulté. Le tout après étude des besoins des organismes accueillis


Cette fois, comme à l'origine, la présence de la gare est un atout en raison de tous les transports urbains qui la desservent. Plus question de pollution auditive ou olfactive ni de réveil matinal avec des bureaux dont le personnel arrive à neuf heures.

A travers ce récit, nous comprenons aisément qu'un bâtiment peut avoir plusieurs vies. La longère conçue pour abriter des cochons s'est transformée au fur et à mesure des années et des besoins grandissants. Sa conception simple et économique en a fait la véritable colonne vertébrale d'un "domaine" familial facilement adaptable à tous types de programmes.

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